Sélénébre, l’entre-monde oublié

Un espace intérieur où même l’ombre a une histoire.

Sélénébre est un monde intérieur, un territoire brumeux qui ne se découvre pas tout d’un coup. Il ne s’est pas formé selon une logique humaine, ni dessiné à partir d’un plan. Il s’est déposé doucement, comme une poussière fine et silencieuse. Un écho d’avant, revenu de loin. Il n’est pas né d’une intention claire, mais d’un enchevêtrement de signes, de sensations floues, de présences à peine perçues. Ce monde ne se donne pas à voir : il se laisse traverser. On y entre comme dans un rêve sans origine, et l’on comprend très vite que ce n’est pas un lieu qu’on peut posséder. C’est un espace qu’on accepte, un souffle qu’on suit. Rien ici ne se fige. Tout évolue, se transforme, se laisse deviner dans la lenteur. Les lois ordinaires n’y ont pas cours. Il n’y a ni cartes, ni boussole, ni chronologie. Seulement des cycles mouvants, des échos qui reviennent sans se répéter, des motifs qui apparaissent au moment juste, et disparaissent sans laisser de trace.

Sélénébre s’est d’abord manifesté comme une brume sans contours, un tissu de sensations sans forme ni langage. Puis, peu à peu, des fragments ont émergé. Des figures hybrides, des maisons sans nom, des fleurs aux propriétés oubliées, des objets porteurs de mémoire. Certaines présences n’ont pas de nom. Elles glissent dans l’ombre des choses, là où le regard s’efface, là où le silence s’installe. Elles sont faites de gestes interrompus, de symboles inversés, de signes sans explication. Elles ne demandent rien d’autre que d’être reconnues.

Parmi elles, une figure veille sans bruit : Séléné. Elle n’enseigne rien, ne donne aucun ordre, mais son influence se ressent dans chaque tension, dans chaque apparition incertaine. On dit qu’elle est associée à la lune, non pour sa lumière, mais pour sa manière de révéler l’ombre sans l’éclairer entièrement. Elle est là sans être là, toujours en bordure de perception. Elle ne montre pas, elle laisse apparaître. Elle ne protège pas, elle veille.

Plus tard est apparue une autre présence : le Roi Cerf. Il ne s’est pas imposé, mais s’est présenté par fragments. Une couronne oubliée, une ramure au bord d’un rêve, une lignée d’êtres hybrides — mi-femmes, mi-cerfs — portant les signes muets de son passage. Il ne règne pas comme un souverain. Il veille sur l’ordre effacé, non pour le restaurer, mais pour éviter qu’il ne soit totalement perdu. Il est lié au devenir, au seuil, au pacte oublié. Il ne parle pas. Il annonce. Là où il passe, quelque chose se met en mouvement. Il marque les instants de bascule, les décisions muettes, les passages qu’on ne nomme pas.

Sélénébre est traversé par des thèmes récurrents : la transformation, l’oubli, la transmission, le passage. On n’y vient pas pour chercher une vérité, mais pour ressentir une résonance. Ce qui se dit ici n’est pas explicite. Ce sont des signes, des objets, des échos. Ce sont des sensations qui restent, des images qui flottent, des silences qui prennent racine. Ce monde ne veut pas convaincre. Il murmure à celles et ceux qui savent attendre, qui savent écouter avec autre chose que les oreilles. Il n’y a pas de certitude à Sélénébre, seulement des invitations. C’est un monde où les opposés cohabitent : le visible et l’invisible, la mémoire et l’effacement, la présence et l’absence.

On pourrait croire que Sélénébre est un rêve. Mais il est aussi ce qui reste après. Ce que l’on porte sans le savoir, ce que l’on traverse sans le nommer. Il est intérieur, mouvant, parfois déroutant. Ce monde ne se comprend pas, il se ressent. Il ne se raconte pas, il se vit. Et parfois, pour un instant à peine, il se laisse écrire.

Le Brumewalker a laissé derrière lui un premier témoignage.
Un grimoire. Un souffle. Un sabbat qui danse lentement dans le silence.